Si ce n’est pas maintenant, alors quand ?

Il est vraiment désolant de voir comment l’histoire se répète. 

Lorsque les conditions de vie deviennent plus précaires, lorsqu’il devient difficile de payer le loyer et de finir le mois revient le besoin de trouver un bouc émissaire à portée de main. Et immanquablement reviennent sur le devant de la scène les trompettes racistes et nationalistes, promptes à offrir un programme politique aux rancoeurs et aux préjugés.

Ce qui est en train de se passer en Italie (et ailleurs) est inquiétant. Il suffit de quelques épisodes pour s’en rendre compte. En décembre de l’an dernier* à Opera (région de Milan), les tentes d’un camp de nomades sont incendiées en plein jour par un groupe de léguistes [membres de la Lega Nord] et de fascistes. L’expédition punitive, annoncée par avance au conseil municipal rencontre un certain consensus dans la population locale. Les carabiniers et la police se contentent de regarder. Depuis deux mois par ici, on ne compte plus les attaques incendiaires contre les magasins arabes et contre les camps de nomades. A Livourne, deux enfants roms meurent suite à un lancé de molotovs : l’action est revendiquée par un groupe fasciste qui fait référence au nettoyage ethnique. A Siène, un camp nomade est assiégé par certains habitants avec des élus léguistes à leur tête : au cours du meeting, bien applaudi, les chambres à gaz sont évoquées. La même scène se répète à Pavie. A Ponte Mammolo (Rome), a lieu une autre attaque incendiaire contre un camp nomade.

Résultat de recherche d'images pour "squadristes"Partout, ces actions squadristes [du nom des ratonnades mussoliniennes] sont précédées et accompagnées de campagnes politiques et médiatiques menées principalement par la Lega Nord et des fascistes (Alleanza Nazionale, Forza Nuova et Fiamma Tricolore). Le centre-gauche les suit sur leur propre terrain (comme le démontrent bien les bulldozers de Cofferati à Bologne et l’arrêté dégueulasse à Florence contre les laveurs de vitres aux feux rouges).

S’il suffisait d’un peu de logique…

Ils doublent les crédits militaires, ils gaspillent des milliards d’euros en travaux qui ne sont utiles qu’aux industriels, on élève l’âge de la retraite des travailleurs tandis que les salaires et les indemnités des politiciens atteignent des chiffres indécents… mais le problème ce seraient les «privilèges des Rom». Trop difficile de regarder en face les ennemis réels, trop risqué de s’en prendre aux capitalistes et à leurs protecteurs politiques : il est bien plus commode de s’acharner contre les pauvres et les exclus. La pauvreté et l’exclusion poussent rarement à vivre comme des saints alors qu’un dirigeant industriel n’a certes pas besoin de pointer un couteau pour vous voler du fric.

Les Rom et les Sinti sont parmi les rares peuples au monde à ne pas avoir de banques, d’armées et d’Etats : c’est pour cela qu’ils ont toujours été persécutés et pas persécuteurs, colonisés et pas colonisateurs, victimes et pas responsables des guerres. Ceux qui ne disent rien contre la guerre (conduite aussi au nom du peuple italien), ceux qui ne disent rien contre le pouvoir des banques traitent ensuite de criminels… les «tziganes». Il est arrivé la même chose dans les années Trente et on sait comment ça a fini.

Demain, Fiamma Tricolore a lancé une manifestation devant la mairie de Rovereto contre les «privilèges» des Siniti et des Rom. La Lega demande une poigne de fer contre les «tziganes». Ces parades publiques, si elles ne sont pas contrées avec détermination, ont déjà mené ailleurs à la violence squadriste. Voulons-nous encore attendre ?

Antiracistes de Rovereto et Trento

[Traduction de l’Italien dans le journal Cette Semaine n°94]

*Le texte a été écrit en 2007 et est fâcheusement toujours d’actualité, les réseaux sociaux aidant  https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/ce-que-l-on-sait-des-violences-contre-les-roms-declenchees-par-une-rumeur-sur-les-reseaux-sociaux_3252117.html