Quarante ans d’ignominies républicaines ! Mais, pour nous édifier, le pré- sent suffit : le Maroc mis à feu et à sang par le civilisateur Lyautey ; hommes, femmes, enfants égorgés avec d’ingénieux raffinements de cruauté – le feu mis aux récoltes, afin que la famine complète l’œuvre du massacre. A Tunis, les verdicts implacables que l’on sait.
Et sur le sol même de la « plus douce des patries », c’est la dictature cynique des mouchards et des policiers, invités formellement à l’assassinat des suspects. Ce sont de nouveaux millions jetés par centaines à l’immonde militarisme. C’est l’escroquerie des retraites ouvrières qu’on tente de réaliser d’accord avec les tribuns de la Sociale. C’est le martyre de Rousset1 . C’est la loi contre la jeunesse révolutionnaire. C’est la vie chère, les vivres trustés, les loyers augmentés, la plus vaste spéculation sur la misère générale, le pacte de famine moderne auquel, comme de juste, ministres et parlementaires donnent leur signature, concours que les accapareurs auront su apprécier.
Et comme l’abjection est la marque du ré- gime, comme il faut bien que les honnêtes gens se vengent d’avoir eu peur d’une poignée d’ « outlaws », ce sont des hommes que l’on veut jeter aux bagnes pour n’avoir pas trahi, pour n’avoir pas dénoncé des amis ou des inconnus, pour avoir rempli envers les traqués ce devoir d’asile sacré aux sauvages même les plus barbares. Et, avec une logique effroyable, la République livre en même temps à son allié Nicolas le Bourreau ce réfugié russe assez imprudent pour s’être fié à l’hospitalité de la France2 .
Qu’en de telles circonstances, des esprits que nous avions coutume de croire émancipés, aient pour souci les périls que pourrait courir cette délicieuse Marianne, pleurent sur le péril réactionnaire, ou les menaces de dictature, comme si nous n’étions pas déjà en pleine oppression et en pleine dictature, il y aurait de quoi nous stupéfier, si nous oublions combien les superstitions politiques, que gouvernants et ploutocrates ont tant intérêt à cultiver, sont encore enracinées au cerveau de nos contemporains. Mais pour nous, la République ne nous peut inspirer que de la haine, du dégoût et du mépris. […]
Extrait du bulletin anarchiste, Avis de tempête, la suite est disponible ici : https://avisdetempetes.noblogs.org/