Imaginez-vous un entrepreneur de quarante ans. Imaginez sa vie. Pris au piège dans les comptes, le personnel, les impôts, les produits, les revenus, les actifs et les passifs du budget, les épouses, ses filles, ses amants, avec les horaires et la voiture et le bollo* et le fax, et les amis respectables et les dîners d’affaires et le trou du cul serré pour que les juges n’y mettent pas le nez et les cadeaux de Noël et le coca et les vacances. Lui, l’entrepreneur, patauge, se noie, boit, mange, compte et recompte, puis une gâterie, et puis recompte puis une trace, et puis recompte, analyse et collectionne les reçus de la Banque. Belle vie.
Il y a celui qui se tire une balle dans la tête, poursuivi par les dettes, il y a celui qui fait l’objet d’une enquête, il y a celui qui jette les ouvrier à la rue, il y a celui qui, entre coût et gain, se sculpte une vie atrophiée. Il y a même celui qui, comme c’est arrivé à Velletri, est vu enfermé dans la voiture devant un supermarché à se masturber, peut-être excité par la marchandise, par les bas de soie, par les sacs en plastique, par les vendeurs, par les caissiers, par les poupées « des filles » et des lumières colorées. Une juste hypothèse, à mon avis. Au fond, c’est sa vie, ça. Il sera bien capable d’y trouver quelque chose d’excitant. Hommes accomplis, entrepreneurs, pauvres petites merde-entreprise. À vous l’illusion d’être riche. Aux autres, les plus miséreux, l’envie, signe d’une misère encore plus grande.
[Canenero, n°43, décembre 96]
*taxe sur la production selon le modèle fiscal italien.
Note.Les guillemets sont de la traduction, (peut être remplacé par « des enfants » dans le texte).